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ROMANS NATIONAUX.

Ces gens se saluaient gravement (Page 6.)

III

Si je me rappelle cette visite de la tante Grédel, c’est que huit jours après commencèrent les processions, les expiations et les prédications, qui ne cessèrent qu’au retour de l’Empereur en 1815, et qui reprirent ensuite jusqu’au départ de Charles X en 1830. Tous ceux de ce temps savent que cela ne finissait plus. Aussi, quand je pense à Napoléon, j’entends le canon de l’arsenal tonner le matin et nos petites vitres grelotter ; le père Goulden me crie de son lit : « Encore une victoire, Joseph !… Hé ! hé ! hé ! toujours des victoires ! » Et quand je pense à Louis XVIII, j’entends sonner les cloches ; je me figure le père Brainstein et ses deux grands garçons perdus à toutes les cordes de l’église, et M. Goulden qui me dit en riant : « Ça, Joseph, c’est pour saint Magloire ou saint Polycarpe ! »

Je ne puis pas me représenter ces temps d’une autre manière.

Sous l’Empire, je vois aussi, à la nuit tombante, le père Coiffé, Nicolas Rolfo et cinq ou six autres vétérans qui bourrent leur canon pour répéter les vingt et un coups, pendant que la moitié de Phalsbourg, sur le bastion en face, regarde la lumière rouge, la fumée, et les bourres qui sautent dans les fossés ; puis le soir les illuminations, les pétards, les fusées,