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WATERLOO.

Des paysans arrivaient par bandes, (Page 12.)


les enfants qui crient Vive l’Empereur ! et, quelques jours après, les actes de décès et la conscription.

Sous Louis XVIII, je vois les reposoirs, les paysans qui viennent avec des voitures de mousse, de genêts et de petits sapins, les dames qui sortent des maisons avec les grands vases de fleurs, les gens qui prêtent leurs chandeliers et leurs crucifix, et ensuite les processions : M. le curé et ses vicaires ; les enfants de chœur Jacob Gloutier, Purrhus et Tribou qui chantent ; le bedeau Kœkli en robe rouge, avec la bannière qui balaye le ciel ; les cloches qui sonnent à pleines volées ; M. Jourdan, le nouveau maire, avec sa grosse figure rouge, son bel uniforme et sa croix de Saint-Louis ; le nouveau commandant de place, M. Robert de la Faisanderie, son tricorne sous le bras, sa grosse perruque poudrée à frimas, et ses broderies étincelant au soleil ; et, derrière, le conseil municipal et les cierges innombrables qu’on rallume l’un à l’autre quand il fait du vent ; le suisse Jean-Pierre Sirou, la barbe bleue bien rasée, son magnifique chapeau en travers des épaules, le large baudrier en soie blanche, parsemé de fleurs de lis, sur la poitrine, la hallebarde toute droite, qui reluit en l’air comme un plat d’argent ; les jeunes filles, les dames et les milliers de gens de la campagne en habit des dimanches, qui prient tous ensemble ; les vieilles en tête de chaque village, qui répètent sans cesse d’une voix claire : « Belt fer ouns ! Belt fer ouns ![1] » les rues

  1. Priez pour nous ! priez pour nous !