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Page:Erckmann-Chatrian — L'ami Fritz (1864).djvu/116

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L’AMI FRITZ.

que pleine de bonhomie ; tu n’as donc pu te passer de moi plus longtemps, tu t’ennuyais et tu es content de me voir ?

— Oui, c’est toujours avec un nouveau plaisir que je te revois, fît Kobus en riant ; c’est un grand plaisir pour moi de me trouver en face d’un véritable croyant, un petit-fils du vertueux Jacob, qui dépouilla son frère…

— Halte ! s’écria le rebbe, halte ! tes plaisanteries sur ce chapitre ne peuvent aller. Tu es un épicaures sans foi ni loi. J’aimerais mieux soutenir une discussion en règle contre deux cents prêtres, cinquante évêques et le pape lui-même, que contre toi. Du moins, ces gens sont forcés d’admettre les textes, de reconnaître qu’Abraham, Jacob, David et tous les prophètes étaient d’honnêtes gens ; mais toi, maudit schaude, tu nies tout, tu rejettes tout, tu déclares que tous nos patriarches étaient des gueux ; tu es pire que la peste, on ne peut rien t’opposer, et c’est pourquoi, Kobus, je t’en prie, laissons cela. C’est très-mauvais de ta part de m’attaquer sur des choses où j’aurais en quelque sorte honte de me défendre… envoie-moi plutôt le curé. »

Alors Fritz partit d’un immense éclat de rire, et, s’étant assis, il s’écria :

« Rebbe, je t’aime, tu es le meilleur homme et