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L’AMI FRITZ.

Sans cela je croirais que tu es fâchée contre moi. (Page 27.)


clavecin d’un air de satisfaction extraordinaire :

« Et tout le monde se porte bien là-bas, le père Christel, la mère Orchel ?

— Tout le monde, monsieur Kobus, Dieu merci. Nous serions bien contents si vous pouviez venir.

— Je viendrai, Sùzel ; demain ou après, bien sûr, j’irai vous voir. »

Fritz avait alors une grande envie de jouer devant Sûzel ; il la regardait en souriant et finit par lui dire :

« Je jouais tout à l’heure de vieux airs, et je chantais. Tu m’as peut-être entendu de la cuisine ; ça t’a bien fait rire, n’est-ce pas !

— Oh ! monsieur Kobus, au contraire, ça me rendait toute triste ; la belle musique me rend toujours triste. Je ne savais pas qui faisait cette belle musique.

— Attends, dit Fritz, je vais te jouer quelque chose de gai pour te réjouir. »

Il était heureux de montrer son talent à Sûzel, et commença la Reine de Prusse. Ses doigts sautaient d’un bout du clavecin à l’autre, il marquait la mesure du pied, et, de temps en temps, regardait la petite dans le miroir en face, en se pinçant les lèvres comme il arrive lorsqu’on a peur de faire de fausses notes. On aurait dit qu’il jouait devant toute la ville. Sûzel, elle, ses grands yeux bleus écarquillés d’admiration, et sa petite bouche rose entrouverte, semblait en extase.

Et quand Kobus eut fini sa valse, et qu’il se retourna tout content de lui-même :