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LA MAISON FORESTIÈRE.


« Tu m’as entendu ? » (Page 35.)


galeries au milieu des cris de : « Vive le Comte-Sauvage ! vive Vulfhild ! » ce qui se fait toujours depuis les siècles des siècles, pour flagorner ceux qui sont les maîtres. »

Ici le père Frantz fit une nouvelle pause ; il vida les cendres de sa pipe, et la mit refroidir au bord de la fenêtre. Puis, au bout de quelques secondes, me regardant avec douceur :

«  Monsieur Théodore, dit-il, je suis sûr que vous n’avez jamais fait répandre une larme à qui que ce soit. Je puis en dire autant pour mon propre compte, quoique mes cheveux soient blancs et que mon heure soit proche. Voilà pourquoi nous sommes là tranquilles et calmes au milieu de la nuit ; voilà pourquoi rien ne nous trouble ; nous avons mis notre confiance en Dieu. L’esprit des ténèbres a beau rôder autour de nous, il ne peut entrer dans notre cœur, il ne peut nous inspirer des pensées mauvaises, nous voyons les choses simplement, clairement, telles que le Seigneur les a faites dans sa sagesse, et rien ne nous effraye. Si la mort en ce moment ouvrait la porte et me disait : « Frantz Honeck, il est temps ! » je la regarderais en face et je me lèverais : « Laisse-moi seulement une seconde, lui dirais-je, pour embrasser ma petite Loïse, et puis je te suivrai avec confiance. » Oui, quoique la mort soit quelque chose de terrible, et qu’elle n’arrive qu’au milieu des transes les plus cruelles, j’espère pouvoir parler de la sorte à ma dernière heure. Et j’ose dire que c’est la récompense de ma vie.

Mais, monsieur Théodore, il n’en est pas de