Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/146

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

casser la tête, parce que le maréchal avait dit bonjour à son vieux camarade.

C’est tout cc qui me revient d’Aschaffenbourg.

Le soir nous rentrâmes manger la soupe à Schweinheim, un endroit riche en vins, en chanvre, en blé, où presque tout le monde nous regardait de travers.

Nous logions à trois ou quatre dans les maisons, comme des garnisaires, et nous avions tous les jours de la viande, soit du bœuf, soit du lard ou du mouton. Le pain de ménage était très bon, et le vin aussi. Mais plusieurs d’entre nous avaient l’air de trouver tout mauvais, croyant se faire passer, par ce moyen pour de grands seigneurs ; ils se trompaient bien, car j’entendais les bourgeois dire en allemand :

« Ceux-là, dans leur pays, sont des mendiants ! Si l’on allait voir en France, on ne trouverait pas seulement des pommes de terre dans leur cave. »

Et jamais ils ne se trompaient ; ce qui m’a fait penser souvent depuis, que les gens si difficiles chez les autres sont de pauvres diables chez eux.

Enfin pour ma part, j’étais bien content d’être gobergé de cette façon, et j’aurais voulu voir durer cela toute la campagne. Deux conscrits de Saint-Dié étaient avec moi chez le maître de