Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/349

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longtemps je regardai Catherine, qui me paraissait bien belle ; je pensais : « Où donc est la tante Grédel ? Comment suis-je revenu au pays ? Est-ce que Catherine et moi nous sommes mariés ? Mon Dieu ! pourvu que ceci ne soit pas un rêve ! » Â la fin, prenant courage, j’appelai tout doucement : « Catherine ! » Alors elle, tournant la tête, s’écria : « Joseph… tu me reconnais ? — Oui », lui dis-je en étendant la main. Elle s’approcha toute tremblante, et je l’embrassai longtemps. Nous sanglotions ensemble. Et, comme le canon se remettait à gronder, tout à coup cela me serra le cœur. « Qu’est-ce que j’entends, Catherine ? demandai-je. — C’est le canon de Phalsbourg, fit-elle en m’embrassant plus fort. — Le canon ? — Oui, la ville est assiégée. — Phalsbourg ?… Les ennemis sont en France !… » Je ne pus dire un mot de plus… Ainsi, tant de souffrances, tant de larmes, deux millions d’hommes sacrifiés sur les champs de bataille, tout cela n’avait abouti qu’à faire envahir notre patrie !… Durant plus d’une heure, malgré