Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/43

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étant assis, nous mangeâmes de bon appétit. Dehors, on n’entendait rien ; le feu pétillait sur l’âtre. Il faisait bien bon dans cette grande cuisine, et le chat gris, un peu sauvage, nous regardait de loin, à travers la balustrade de l’escalier au fond, sans oser descendre.

Catherine, après le dîner, chanta l’air : Der lieber Gott. Elle avait une voix douce qui s’élevait jusqu’au ciel. Moi je chantais tout bas, seulement pour la soutenir. La tante Grédel, qui ne pouvait jamais rester sans rien faire, même les dimanches, s’était mise à filer ; le bourdonnement du rouet remplissait les silences, et nous étions tout attendris. Quand un air était fini, nous en commencions un autre. À trois heures la tante nous servit les küchlen à la cannelle ; nous y mordions ensemble, en riant comme des bienheureux et la tante quelquefois s’écriait :

« Allons, allons, est-ce qu’on ne dirait pas de véritables enfants ? »

Elle avait l’air de se fâcher, mais on voyait bien à ses yeux plissés qu’elle riait au fond de son cœur.

Cela dura jusqu’à quatre heures du soir. Alors, la nuit commençait à venir, l’ombre entrait par les petites fenêtres, et, songeant qu’il faudrait bientôt nous quitter, nous nous assîmes