Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/91

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Comme je restais confondu, le premier chirurgien me dit :

« Voilà qui tranche la question ; rhabillez-vous. »

Et, se tournant vers le secrétaire, il s’écria :

« Bon pour le service ! »

Je me rhabillai dans un désespoir épouvantable.

Werner en appela un autre. Je ne faisais plus attention à rien… quelqu’un m’aidait à passer les manches de mon habit. Tout à coup je fus sur l’escalier, et comme Catherine me demandait ce qui s’était passé, je poussai un sanglot terrible ; je serais tombé du haut en bas, si la tante Grédel ne m’avait pas soutenu.

Nous sortîmes par-derrière et nous traversâmes la petite place ; je pleurais comme un enfant et Catherine aussi. Sous la halle, dans l’ombre, nous nous arrêtâmes en nous embrassant.

La tante Grédel criait :

« Ah ! les brigands !… ils enlèvent maintenant jusqu’aux boiteux… jusqu’aux infirmes ! Il leur faut tout ! Qu’ils viennent donc aussi nous prendre ! »

Les gens se réunissaient, et le boucher Sépel, qui découpait là sa viande sur l’étal, dit :

« Mère Grédel, au nom du Ciel, taisez-vous…