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L’AMI FRITZ.

— N’est-ce pas la destination de l’homme et de la femme ? Est-ce que Dieu n’a pas dit dès le commencement : « Allez, croissez et multipliez ! » Est-ce que ce n’est pas une folie que de vouloir aller contre Dieu, de vouloir vivre… »

Mais alors Fritz se mit tellement à rire, que le vieux rebbe en devint tout pâle d’indignation :

« Tu ris, fit-il en se contenant, c’est facile de rire. Quand tu ferais « ha ! ha ! ha ! hé ! hé ! hé ! hi ! hi ! hi ! » jusqu’à la fin des siècles, cela prouverait grand’chose, n’est-ce pas ? Si seulement une fois tu voulais raisonner avec moi, comme je t’aplatirais ! Mais tu ris, tu ouvres ta grande bouche : « ha ! ha ! ha ! » ton nez s’étend sur tes joues comme une tache d’huile, et tu crois m’avoir vaincu. Ce n’est pas cela, Kobus, ce n’est pas ainsi qu’on raisonne. »

En parlant, le vieux rebbe faisait des gestes si comiques, il imitait la façon de rire de Kobus avec des grimaces si grotesques, que toute la salle ne put y tenir, et que Fritz lui-même dut se serrer l’estomac pour ne pas éclater.

« Non, ce n’est pas ça, poursuivit David avec une vivacité singulière. Tu ne penses pas, tu n’as jamais réfléchi.

— Moi, je ne fais que cela, dit Kobus en es-