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Page:Erckmann-Chatrian - L’Ami Fritz.djvu/64

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L’AMI FRITZ.

suyant ses grosses joues, où serpentaient les larmes ; si je ris, c’est à cause de tes idées étranges. Tu me crois aussi par trop innocent. Voilà quinze ans que je vis tranquille avec ma vieille Katel, que j’ai tout arrangé chez moi pour être à mon aise ; quand je veux me promener, je me promène ; quand je veux m’asseoir et dormir, je m’assois et je dors ; quand je veux prendre une chope, je la prends ; si l’idée me passe par la tête d’inviter trois, quatre, cinq amis, je les invite. Et tu voudrais me faire changer tout cela ! tu voudrais m’amener une femme, qui bouleverserait tout de fond en comble ! Franchement, David, c’est trop fort !

— Tu crois donc, Kobus, que tout ira de même jusqu’à la fin ? Détrompe-toi, garçon, l’âge arrive, et, d’après le train que tu mènes, je prévois que ton gros orteil t’avertira bientôt que la plaisanterie a duré trop longtemps. Alors, tu voudras bien avoir une femme !

— J’aurai Katel.

— Ta vieille Katel a fait son temps comme moi. Tu seras forcé de prendre une autre servante qui te grugera, qui te volera, Kobus, pendant que tu seras en train de soupirer dans ton fauteuil, avec la goutte au pied.