Page:Erckmann-Chatrian - Le brigadier Frédéric, 1886.djvu/101

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

95
Le brigadier Frédéric.

n’avaient pas établies, voyant l’argent, le bon argent de « la riche Alsace » entrer dans leurs caisses, alors, Georges, ils se crurent réellement présidents de quelque chose, inspecteurs, receveurs, contrôleurs, et l’orgueil allemand, qu’ils savent si bien cacher sous la bassesse, quand ils ne sont pas les plus forts, cet orgueil brutal gonfla leurs joues.

Il leur resta toujours, du temps que j’étais encore là-bas, un vieux souvenir de la Loumpê-Strasse, qu’ils avaient habitée jusqu’alors. Ce souvenir les rendait très-économes ; ils buvaient une chope à deux et chacun payait sa part ; ils disputaient sur des liards avec le cordonnier et le tailleur ; ils trouvaient à redire sur toutes les notes, criant qu’on voulait les écorcher ; le dernier savetier chez nous aurait eu honte de montrer la ladrerie de ces nouveaux fonctionnaires, qui nous promettaient tant de bien au nom de la patrie allemande, en nous montrant tant d’avarice et même de crasse abominable. Cela dénotait à quelle race nous avions affaire.