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Le brigadier Frédéric.

instants si calmes, où ta vie s’est écoulée au milieu de braves gens qui t’appelaient bon fils, bon père, honnête homme et priaient Dieu de te combler de bénédictions. À quoi te sert maintenant d’avoir été bon père et bon fils, d’avoir toujours rempli tes devoirs avec honnêteté, puisqu’on te chasse et que pas une âme au monde ne peut réclamer pour toi ! Les Allemands sont les plus forts, et la force vaut mieux que le droit établi par Dieu même. »

Je frémissais d’oser élever mon reproche jusqu’à l’Éternel, mais ma douleur était trop profonde, l’iniquité me paraissait trop forte… Que le ciel me pardonne d’avoir douté de lui !

Quant au reste, ma résolution était inébranlable, j’aurais mieux aimé périr, que de commettre une bassesse. Et regardant Merlin, appuyé contre un bouleau, près de moi, l’œil sombre, je lui dis :

« C’est la dernière fois que je regarde ma vieille baraque ; demain, l’Oberfœrster recevra ma réponse, et après-demain les meubles seront sur la charrette. Dîtes-moi maintenant ce que vous pensez faire. »

Alors il devint tout rouge et murmura :