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Le brigadier Frédéric.

Figure-toi notre position ; comment nous y prendre pour leur dire que les Allemands nous mettaient à la porte ? Mais les pauvres femmes n’eurent qu’à nous regarder, pour comprendre qu’il se passait quelque chose de grave.

Après avoir posé mon bâton au coin de l’horloge et pendu ma casquette à son clou, je fis quelques tours dans la chambre ; puis, comme il fallait bien commencer d’une manière ou d’une autre, je me mis à raconter en détail les propositions que nous avait faites l’Oberfœrster d’entrer au service du roi de Prusse. Je ne me pressais pas, je disais les choses clairement, sans rien cacher ni rien ajouter, voulant que ces pauvres êtres eussent aussi la liberté de choisir entre la misère et la honte.

Marie-Rose, toute pâle, levait à chaque instant les mains au ciel, en murmurant :

« Est-ce possible, mon Dieu ? Existe-t-il de pareils gueux dans le monde ? Ah ! plutôt mourir, que de s’engager dans cette bande de coquins ! »

Cela me faisait plaisir de voir que ma fille avait du cœur ; Jean Merlin en était tellement touché, que je voyais trembloter ses moustaches.