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Le brigadier Frédéric.

manquer de respect, je les en exècre encore plus, si c’est possible !… Mais ne comprenez-vous pas, grand mère, que ces brutes, sans pitié même pour la vieillesse, s’ils éprouvaient de votre part la moindre résistance, vous traîneraient dehors par vos cheveux gris ; vous n’êtes pas forte, vous ; ils sont forts, eux, et cela leur suffit !… Ne comprenez-vous pas que moi, voyant un tel spectacle, je me précipiterais sur eux, quand ils seraient un régiment, et qu’ils me massacreraient !… Alors que deviendriez-vous, vous et ma fille ? Voilà ce qu’il faut voir, grand’mère. Pardonnez-moi de vous parler si durement, mais je ne veux pas une minute de grâce, ni vous non plus, j’en suis sûr ; et d’abord ils ne nous l’accorderaient pas, ce sont des gens sans entrailles ! »

Elle fondait en larmes et bégayait :

« Oh ! mon Dieu, mon Dieu ! quitter cette maison, où j’espérais voir ma petite-fille heureuse et bercer encore mes arrière-petits-enfants !… Mon Dieu, pourquoi ne m’avez-vous pas appelée plus tôt ? »

Elle pleurait si amèrement, que tous ensemble, nous sentions les larmes descendre une à