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Le brigadier Frédéric.

Ragot aboyait sur les talons de cet idiot. J’aurais voulu les assommer tous les deux, car nous avions appris ton arrivée à Rennes : M. le président lui-même avait écrit que tu regrettais tous les jours la Steinbach ; j’étais bien d’assez mauvaise humeur, sans entendre des cris pareils.

Souvent aussi ma femme et Marie-Rose, en rangeant les fruits sur le plancher du grenier, disaient :

« Quelles belles poires fondantes !… Quelles bonnes rainettes grises !… Ah ! si Georges revenait, c’est lui qui roulerait là-haut du matin au soir ; il ne ferait que monter et descendre l’escalier. »

Et l’on souriait ; les larmes aux yeux.

Et combien de fois, moi-même, rentrant de la pipée, et jetant sur la table mes chapelets de mésanges, ne me suis-je pas écrié :

« Tenez, en voilà dix, quinze douzaines… À quoi cela sert-il maintenant ? Le petit n’est plus là !… Autant les donner au chat ; moi je m’en moque pas mal ! »

C’est vrai, Georges, je n’ai jamais eu le goût des mésanges ni même des grives. J’ai toujours