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Le brigadier Frédéric.

Tous les villages d’Alsace et de Lorraine étaient encombrés d’Allemands, les routes couvertes de canons et de convois ; pas une baraque, pas même une écurie ne restait libre.

Ces idées me faisaient des cheveux gris ; j’aurais voulu m’être cassé le cou tout de suite en descendant les marches de la maison forestière, et j’en souhaitais autant pour la grand’mère et pour ma fille.

Heureusement, Jean Merlin arriva le lendemain de bonne heure. Il avait porté notre réponse à l’Oberfœrster ; il avait déménagé ses meubles à Felsberg, et la vieille Margrédel, sa mère, était déjà tranquillement assise près du feu, chez l’onde Daniel.

C’est ce qu’il nous dit d’un air de bonne humeur, après avoir embrassé Marie-Rose et souhaité le bonjour à la grand’mère.

Rien que de voir sa confiance, cela m’avait déjà remonté le cœur ; et, comme je me plaignais du froid, de la fumée, de notre mauvaise nuit, il s’écria :

« Oui !… je comprends tout ça, brigadier ; je m’en doutais bien ; aussi je me suis dépêché de venir. C’est dur de quitter ses habitudes et de