Page:Erckmann-Chatrian - Le brigadier Frédéric, 1886.djvu/143

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

137
Le brigadier Frédéric.

dans leur graisse ; ils les plumeront à plaisir, sans qu’ils puissent se défendre. Malheur à nous tous ! Les nobles Prussiens vont nous manger ; et les Badois, les Bavarois, les Wurtembergeois, les Hessois avec nous ! »

Ces idées mélancoliques et beaucoup d’autres semblables me passaient par la tête.

Sur les dix heures, je montais la rampe du vieux fort, abandonné depuis le commencement de la guerre ; puis, descendant la rue du Faubourg, j’entrai dans la maison de M. l’inspecteur. Mais la porte du bureau dans le vestibule à gauche était fermée ; j’eus beau sonner, essayer d’ouvrir, personne ne répondit. J’allais sortir pour m’informer chez un voisin de ce qu’était devenu M. Laroche, s’il avait été forcé de partir, lorsqu’une porte en haut s’ouvrit, et M. l’inspecteur lui-même, en robe de chambre, parut sur l’escalier.

« Qui est là ? fit-il, ne me reconnaissant pas d’abord sous mon grand feutre.

— C’est moi, monsieur l’inspecteur, lui dis-je.

— Ah ! c’est vous, père Frédéric, dit-il tout réjoui. Eh bien, montez, montez. Toute ma mai-