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Le brigadier Frédéric.

sants. Je lui répondis qu’il me restait bien encore 300 francs, que j’économisais pour acheta un bout de prairie, à côté du verger, que cela me suffirait sans doute.

« Allons, tant mieux ! dit-il. Vous savez, père Frédéric, que ma bourse est à votre service ; elle n’est pas forte aujourd’hui ; chacun est obligé de ménager ses ressources, car Dieu sait combien de temps cette campagne peut durer ; mais s’il vous fallait quelques fonds… »

Je le remerciai de nouveau.

Nous causions comme de véritables amis. Il m’engagea même à prendre un cigare dans sa boîte, mais je le remerciai. Alors il me demanda si j’avais une pipe, et me dit de l’allumer. C’est pour te faire comprendre quel brave homme c’était que notre inspecteur.

Je me rappelle qu’il me dit ensuite que tout n’était pas fini ; que sans doute nos armées régulières s’étaient rendues en masse ; que tous nos officiers, maréchaux, généraux, jusqu’aux simples caporaux, étaient tombés par ce moyen au pouvoir de l’ennemi, chose qui ne s’était jamais vue depuis le commencement de l’histoire de France et de n’importe quelle autre nation ;