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Le brigadier Frédéric.

manteau ruisselant de pluie. Le silence, l’incertitude vous accablaient. Marie-Rose allait et venait sans rien dire ; elle prenait même un air souriant, lorsque ma tristesse était trop grande, mais je voyais bien à sa pâleur ce qu’elle devait souffrir.

Quelquefois aussi la grand’mère, quand on y pensait le moins, se mettait à parler de Jean, demandant de ses nouvelles. On lui répondait par des choses insignifiantes ; les idées courtes de la vieillesse, sa mémoire affaiblie l’empêchaient d’aller plus loin ; elle se contentait de ce qu’on pouvait lui dire, et murmurait en rêvant :

« C’est bon !… c’est bon ! »

Et puis, les soucis de l’existence, le travail journalier, les soins du bétail, du ménage, nous aidaient à vivre.

Le pauvre Calas n’ayant plus d’ouvrage chez nous, s’était mis à faire la contrebande entre Phalsbourg et les environs, risquant sa vie tous les jours, pour porter quelques livres de tabac ou d’autres menus objets sur les glacis ; le bruit courut en ce temps qu’il avait été tué par une sentinelle allemande ; Ragot l’avait suivi, nous n’entendîmes plus parler d’eux. Ils dorment