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Le brigadier Frédéric.

d’être dix contre un, ils suivent toujours les grandes routes… Ce sont des braves qui tiennent à leur peau… Hé !… Hé !… Hé !… »

Je riais moi-même, parce qu’il disait la vérité.

Mais une terrible surprise m’attendait plus loin, à la descente des roches.

Dans le moment où je sortais du bois et que les petits toits de chaume se découvraient au pied de la côte, sous les bruyères, je vis d’abord des casques briller dans la ruelle, devant le hangar du père Ykel ; puis regardant mieux, j’aperçus la foule en guenilles, hommes et femmes, qui stationnait autour d’eux ; Ykel, sur la porte de l’auberge, qui parlait ; Marie-Rose derrière, devant l’écurie sombre, et la grand’mère à sa petite fenêtre, levant les mains comme pour maudire.

Naturellement je me mis à galoper par-dessus les broussailles, comprenant qu’il se passait quelque chose de grave ; et descendant la ruelle du vieux cloître, pour couper au court, je débouchai derrière l’écurie, au moment où quelqu’un en sortait, traînant nos deux vaches attachées par les cornes.