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Le brigadier Frédéric.

uniforme et le sabre au côté, entendant Ykel dire : « Voici le maître !… c’est à lui que sont les vaches ! » tourna la tête comme sur un pivot, et me regarda par-dessus l’épaule ; il avait des lunettes sous son casque, les moustaches rousses et le nez crochu’ ; on aurait dit un hibou qui tourne la tête sans bouger le corps : mauvaise figure !

La foule encombrait la ruelle, et le sergent cria :

« En arrière ! Faites évacuer les environs, caporal ; et vous autres, si l’on se révolte : Feu !… »

Le roulement des sabots dans la boue et les cris de la grand’mère pleurant et sanglotant, donnaient à ce spectacle quelque chose d’épouvantable.

« Ces vaches me conviennent, disait le cantonnier au sergent, je les prends, nous pouvons partir.

— Sont-elles à vous ? lui dis-je indigné, en serrant mon bâton.

— Ça ne me regarde pas, fit-il d’un ton de vrai bandit, sans cœur et sans honneur. J’ai le choix entre toutes les vaches du pays, pour rem-