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Le brigadier Frédéric.

pour consoler les imbéciles d’être la proie des autres.

Voilà pourtant, Georges, à quels excès nous pousse l’injustice.

Mats le pire, c’est que les nouvelles de l’intérieur devenaient mauvaises.

Un piquet d’Allemands, venus de Wéchem pour réquisitionner mon foin, trouva la place vide ; ces gens en furent indignés ; ils me demandèrent ce que le fourrage était devenu, je leur répondis que les vaches du cantonnier les avaient mangé.

Ma chèvre se trouvait par bonheur avec celles de Starck, sans cela les bandits n’auraient pas manqué de l’emmener.

Cette troupe de braillards, entrant alors à l’auberge, raconta que les républicains avaient été battus, qu’ils avaient laissé des milliers de morts sur les champs de batailles, qu’ils étaient repoussés d’Orléans, et qu’on allait les poursuivre au loin ; ils riaient et se glorifiaient eux-mêmes. Nous ne croyions pas le quart de ce qu’ils disaient, mais leur air de bonne humeur et leur insolence nous forçaient pourtant de penser que tout n’était pas mensonge.