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Le brigadier Frédéric.

bras, que l’enfant pleure au loin, que la grand’mère vous rappelle au nom de Dieu !

Oui, j’ai senti tout cela sur la côte de Berlingen et j’en frémis encore.

Et dire que des vermisseaux comme nous osent imposer de pareilles souffrances à leurs semblables !… Que le Tout-Puissant ait pitié d’eux ; l’heure de la justice viendra pourtant !

M’étant arraché de la, je continuai ma route.

J’allais, je descendais les reins courbés, et le cher pays s’éloignait lentement. Oh ! que je souffrais, que de pensées lointaines me revenaient ! Les bois, les sapinières, les vieilles scieries s’en allaient !…

J’approchais de Schoenbourg et je commençais à redescendre la seconde côte, perdu dans mes rêveries et mon désespoir, quand tout à coup un homme à cinquante pas devant moi, le fusil en bandoulière, sortît de la forêt en me regardant. Cette vue me tira de mes tristes pensées, je levai les yeux : c’était Hepp, l’ancien brigadier, que les Prussiens avaient embauché et qui seul de nous tous avait pris du service chez eux.