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Le brigadier Frédéric.

« Hé ! fît-il bien étonné, c’est vous, père Frédéric ?

— Oui, lui répondis-je, c’est moi.

Mais où donc allez-vous de si bon matin, un paquet sur l’épaule ?

— Je vais où Dieu voudra… Les Allemands me chassent… Je vais gagner ma vie ailleurs. »

Il était devenu tout pâle. J’avais fait halte une seconde pour respirer.

« Comment ! dit-il, on vous chasse à votre âge ! vous, un vieux forestier, un bon chef, un honnête homme qui n’a jamais fait de tort à personne !

— Oui ! on ne veut plus de moi dans ce pays. On m’accorde vingt-quatre heures pour quitter la vieille Alsace, et je suis en route…

— Et Marie-Rose… et la grand’mère ?

— Elles sont au Graufthâl, chez Ykel. La grand’mère va mourir… les autres l’enterreront ! »

Hepp, le front penché et les yeux à terre, leva la main en murmurant :

« Quel malheur !… quel malheur !

Je ne répondais rien, je m’essuyais la figure couverte de sueur.