Il me fit entrer dans un grand bureau sombre, les persiennes fermées, puis dans son cabinet où pétillait un bon feu dans un grand poêle de faïence ; et m’ayant dit de prendre une chaise, nous causâmes longtemps du pays. Je lui racontai toutes nos misères depuis l’arrivée des Allemands ; il m’écoutait les lèvres serrées, le coude au bord du secrétaire et finit par me dire :
« Oui, c’est terrible !… Tant d’honnêtes gens sacrifiés à l’égoïsme de quelques malheureux !… Nous expions durement nos fautes ; mais les Allemands auront leur tour. En attendant, il ne s’agit pas de cela, vous devez être gêné ; vous êtes sans doute à bout de ressources ? »
Naturellement, je lui dis la vérité ; je lui dis qu’il avait fallu laisser de quoi vivre à la maison, et que je cherchais du travail.
Alors il ouvrit tranquillement un tiroir, en me disant que j’avais droit, comme les autres brigadiers d’Alsace, à mon dernier trimestre, qu’il allait m’en faire l’avance, et que je le rembourserais plus tard.
Je n’ai pas besoin de te peindre ma satisfac-