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Le brigadier Frédéric.

Alors à table Marie»Rose me raconta la mort de la pauvre grand’mère en détail ; comment elle s’était éteinte, après avoir crié trois jours et trois nuits de suite, dans ses rêves : « Bruat !… Frédéric !… Les Allemands !… Frédéric !… ne m’abandonnez pas… Emmenez-moi avec vous ! » Enfin le bon Dieu avait fini par la prendre ; et la moitié du Graufthâl l’avait accompagnée par les neiges jusqu’à Dôsenheim, pour l’enterrer avec les nôtres.

En racontant ces choses tristes, Marie-Rose ne pouvait retenir ses larmes, et de temps en temps elle s’arrêtait pour tousser, c’est pourquoi je lui dis que c’était assez comme cela, que je ne voulais pas en apprendre davantage.

Et le dîner étant fini, je remerciai Starck des services qu’il nous avait rendus. Je lui dis que dans le malheur on apprend à connaître ses véritables amis, et d’autres choses justes qui lui firent plaisir, parce qu’il les méritait. Sur les six heures, il repartit, malgré tout ce que je pus lui dire pour l’engager à rester. Je l’accompagnai jusqu’au bout de la rue, le priant de remercier le père Ykel et sa fille de ce qu’ils avaient fait pour nous ; et, s’il allait du côté de Feisberg, de ra-