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Le brigadier Frédéric.

fou, que j’avais des idées mauvaises qui me suivaient, des idées de vengeance !

Ce n’est pas moi, Georges, qui nourrissais ces idées, c’était le pauvre être abandonné du ciel et de la terre, auquel on avait arraché son cœur morceau par morceau, et qui ne savait plus où reposer sa tête.

Je vaguais dans les rues, les bonnes gens me plaignaient, la mère Ory me donnait à manger. J’ai su cela plus tard ! Alors je ne pensais à rien ; les mauvaises idées ne me quittaient pas ; j’en parlais seul, assis derrière le poêle de l’auberge, ma tête grise entre les mains, les coudes sur les genoux et les yeux à terra.

Dieu sait ce que je ruminais de haine !

La mère Ory entendait tout, et cette excellente femme, qui me voulait du bien, en prévint M. d’Arence.

Un matin que j’étais seul dans la salle, il arriva me parler de ces choses, me rappelant qu’il avait toujours eu de la considération pour moi, qu’il m’avait toujours recommandé comme un honnête homme, un bon serviteur, plein de zèle et de probité, sur lequel on pouvait se reposer entièrement, et qu’il espérait bien que cela dure-