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Le brigadier Frédéric.

Georges ; mais il ne voulait rien que pour mon bien.

Je partis donc, et me voilà depuis trois ans surveillant à la gare de l’Est.

En arrivant au milieu de la grande confusion, après le siège, j’eus encore la douleur de voir une chose épouvantable, dont le souvenir ajoute à mes souffrances : des Français se battaient contre des Français… La grande ville était en flammes… et les Prussiens regardaient ce spectacle avec une joie de sauvages.

« Il n’y a plus de Paris !… disaient-ils. Plus de Paris ! »

L’envie horrible qui ronge ces gens était satisfaite. Oui, j’ai vu cela ! J’ai cru que c’était fini de nous ; j’en ai frémi. Je me suis écrié :

« L’Éternel a donc résolu que la France descendrait dans l’abîme ! »

Mais cela, grâce au ciel, s’est aussi passé. Le souvenir en reste, espérons qu’il ne périra jamais !

Et ce n’était pas encore tout. À la suite de ces grandes calamités, il m’a fallu voir, en remplissant ma petite place, défiler jour par jour devant