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Le brigadier Frédéric.

maison forestière ; l’odeur de la friture et des bonnes omelettes au lard se répandait jusqu’au jardin ; on gagnait quelques sous à la maison.

Toutes ces choses, tu les connais, je n’ai pas besoin de t’en parler.

Mais cette année, nous vîmes arriver aussi des quantités de bûcherons du Palatinat, de la Bavière et de plus loin ; de grands gaillards solides, le sac au dos, les guêtres à boutons d’os aux jambes, qui se rendaient à Niederviller, à Lunéville, à Toul, travailler dans les coupes. Ils passaient par bandes, la veste pendue au manche de la hache, sur l’épaule.

Ces gens vidaient leur chopine de vin en passant ; c’étaient de joyeux vivants, qui remplissaient la salle de la fumée de leurs grosses pipes de porcelaine, s’informant de tout, riant et se gobergeant, comme il arrive à ceux qui ne sont pas embarrassés de gagner leur vie.

Naturellement, j’étais content de les voir s’arrêter chez nous, cela faisait rouler le commerce.

Je me rappelle de ce temps une chose qui montré bien l’aveuglement des pauvres d’esprit, ignorant ce qui se passe à vingt lieues de chez