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Le brigadier Frédéric.

eux, et qui se fient au gouvernement, sans penser à rien ; une chose dont j’ai honte, car nous allions jusqu’à rire des hommes de bon sens qui nous avertissaient d’être sur nos gardes.

Un jour, toute notre maison était remplie de gens arrivés de la ville et des environs ; quelques-uns de ces étrangers se trouvaient aussi dans le nombre. On causait, on buvait, et l’un de ces grands Bavarois, à favoris rouges et grosses moustaches, devant la fenêtre s’écriait :

« Quel beau pays ! Quels magnifiques sapins !… Qu’est-ce que ces vieilles ruines là-haut… et ce petit bois là-bas… et ce sentier à droite… et ce défilé à gauche, entre les rochers !… Ah ! je n’ai jamais vu de pays pareil, pour le regain, pour les arbres fruitiers, et la belle pente des eaux. C’est gras, c’est vert. Est-ce qu’il n’y a pas un clocher derrière ce petit bois ?… Comment s’appelle ce joli village ? »

Moi, content d’entendre cet homme s’extasier sur notre vallée, je lui rendais compte de tout en détail.

Baure, Dürr, Vignerel parlaient entre eux ; ils fumaient, ils allaient voir à la cuisine si l’omelette était bientôt prête, sans s’inquiéter du reste.