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Le brigadier Frédéric.

Mais, près de l’horloge se trouvait le capitaine Rondeau, revenu depuis quelques mois au pays, avec sa retraite, un homme grand, sec, les joues creuses, la redingote noire boutonnée jusqu’au menton, souffrant toujours de ses blessures d’Afrique, de Crimée, d’Italie ; il écoutait sans rien dire et buvait une tasse de lait, parce que le docteur Semperlin lui avait défendu de prendre autre chose.

Cela durait depuis une bonne heure, quand les Bavarois, ayant vidé leu ; s chopines, se remirent en route. Je les suivis dehors sur la porte, pour leur montrer le sentier de Biegelberg ; le grand roux riait, montrant ses dents d’un air joyeux ; finalement, il me serra la main et me cria : « Merci ! » en rejoignant sa bande.

Or, tandis qu’ils s’en allaient, le capitaine Rondeau, appuyé sur sa canne, était là sur la porte, qui les regardait s’éloigner, les yeux brillants et les lèvres serrées.

« Qu’est-ce que ces gens-là ? père Frédéric, me dit-il. Vous les connaissez ?

— Ça, capitaine, lui répondis-je, ce sont des Allemands, des bûcherons. Je ne les connais pas autrement ; mais je sais qu’ils vont du côté de