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Le brigadier Frédéric.

les trois quarts des invités dormaient déjà dans tous les coins ; et sauf lui, le baron Pichard, M. Tubingue, le plus gros et l’un des plus riches vignerons d’Alsace, M. Jean-Claude Ruppert, le notaire, qui peut boire deux jours de suite sans changer de couleur, ni dire une parole plus vite que l’autre, et M. Mouchica, le marchand de bois, dont l’habitude est de griser tous ceux avec lesquels il a des affaires, sauf ceux-là, les autres invités, étendus sur leur botte de paille, avaient tous quitté la partie.

Alors une grande conversation venait de commencer ; le baron disait que les Allemands espionnaient l’Alsace, qu’ils avaient des agents partout, soit comme domestiques, soit comme voyageurs de commerce ou colporteurs ; qu’ils levaient les plans des chemins, des sentiers, des forêts ; qu’ils entraient même dans nos arsenaux, envoyant régulièrement des notes au pays ; qu’ils avaient fait la même chose dans le Schleswig-Holstein avant de commencer la guerre, et puis en Bohême, avant Sadowa ; qu’il fallait se méfier d’eux, etc.

Le notaire et M, Mouchica soutenaient qu’il avait raison, que c’était grave, et que notre gou-