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Le brigadier Frédéric.

vernement devrait prendre des mesures pour arrêter cet espionnage.

Naturellement nous autres, entendant cela, nous écoutions, quand l’officier se mit à rire tout haut, disant qu’il croyait d’autant plus ce que racontait M. le baron, que nous faisions le même exercice en Allemagne ; que nous avions des officiers du génie dans toutes leurs places fortes, et des officiers d’état-major dans toutes leurs vallées. M. Tubingue ayant dit alors que ça n’était pas possible, que pas un officier français ne voudrait aller rouler de la sorte, à cause de l’honneur militaire…

« Comment… comment… vous en êtes là ?… dit l’officier en riant encore plus fort. Mais, mon cher monsieur, la guerre, en ce temps-ci, qu’est-ce que c’est ? C’est un art, un jeu, une partie ouverte ; on se regarde, on tâche de deviner les cartes de son adversaire. Tenez, moi, oui, moi qui vous parle, j’ai parcouru tout le Palatinat en qualité de commis-voyageur ; je vendais du vin de Bordeaux à ces bons Allemands ! »

Puis, recommençant à rire, ce monsieur raconta tout ce qu’il avait vu sur son chemin, ab-