Page:Erckmann-Chatrian - Le brigadier Frédéric, 1886.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

64
Le brigadier Frédéric.

yeux plissés, sa vieille figure ridée de satisfaction ; elle m’appelait :

« Frédéric ?

— Quoi, grand’mère ?

— Je redeviens jeune comme au temps de mon mariage. C’était l’année de la comète, où l’on a fait de si bon vin, avant le grand hiver de Russie ; vous avez entendu parler de çà, Frédéric, tous nos soldats ont gelé.

— Oui, grand’mère. »

Elle aimait à se rappeler ces histoires lointaines, et nous ne pensions pas qu’il nous faudrait bientôt en voir de semblables.

Les bonnes gens de Phalsbourg, les plus pauvres, comme le père Maigret, le vieux Paradis, le grand-père Lafougère, tous d’anciens soldats, sans autres moyens d’existence que la bourse des pauvres et leur médaille de Sainte-Hélène, commençaient à revenir chercher des champignons au bois ; ils les connaissaient tous chacun selon son espèce, depuis la morille jusqu’au gros Polonais ; ils ramassaient aussi des fraises et des mûres. Les fraises des bois, qui sont les meilleures, se vendaient en ville à deux sous le litre, les champignons à trois sous le petit panier.