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Le brigadier Frédéric.

La prairie en bas, au bord de la rivière, leur donnait aussi de la salade en quantité. Que de fois ces pauvres vieux reins étaient forcés de se courber, pour gagner un sou !

Et tous les ans nous recevions encore l’ordre d’appliquer plus sévèrement les règlements forestiers, d’empêcher de ramasser les feuilles mortes et les faines, autant dire les pauvres gens de vivre.

Tout alla donc ainsi jusqu’à la fenaison, où se fit sentir la grande sécheresse ; elle dura jusqu’à la fin de juillet ; on craignait pour les pommes de terre.

Quant au plébiscite, je ne t’en parle pas, ces choses-là ne nous inquiétaient pas beaucoup, nous autres gardes forestiers. Un beau matin ? nous avions reçu l’ordre d’aller à la Petite-Pierre, et toute la brigade, après s’être réunie chez moi, était partie ensemble en grande tenue, pour voter oui, comme on nous l’avait ordonné. Puis, étant entrés à l’auberge des Trois-Pigeons, nous avions bu un bon coup à la santé de l’empereur, à la suite de quoi chacun avait repris le chemin de sa maison, et le lendemain personne n’y pensait plus.