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Le brigadier Frédéric.

Cet ordre, il l’observait lui-même, restant à la Petite-Pierre, et continuant de remplir ses fonctions.

Strasbourg se défendait ; on se battait autour de Metz. De temps en temps, j’envoyais Merlin prendre les avis des supérieurs, et toujours la réponse était : « Rien n’est désespéré… Nous pouvons avoir à rendre des services d’un moment à l’autre… Que tout le monde reste ! »

Nous attendions donc ; et l’automne, toujours si beau dans nos montagnes, avec ses feuilles couleur de rouille, ses grandes futaies silencieuses, où plus un oiseau ne chante, ses prairies nouvellement fauchées, unies comme un tapis à perte de vue, la rivière couverte de glaïeuls et de feuilles mortes, ce grand spectacle, si calme dans tous les temps, avait encore plus de grandeur et de tristesse, au milieu des événements terribles que nous traversions.

Combien de fois alors, écoutant le murmure sans fin des forêts, où passaient les premiers frissons de l’hiver, combien de fois je me suis dit :

« Pendant que tu regardes, Frédéric, ces vieux bois où tout dort, que se passe-t-il là-bas, en