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Le brigadier Frédéric.

Champagne ? Que sont devenues ces armées nombreuses, cette cavalerie, cette infanterie, ces canons, tous ces milliers d’êtres acharnés à leur perte, pour la gloire et l’intérêt de quelques-uns ? Les verrons-nous repasser en déroute ? Resteront-ils couchés dans les brouillards de la Meuse, ou reviendront-ils nous poser le talon sur la nuque ? »

Je me représentais de grandes batailles.

La grand’mère aussi, tout inquiète, assise près de la fenêtre, disait :

« Écoutez, Frédéric, n’entendez-vous rien ? »

Et je prêtais l’oreille ; ce n’était que le vent dans les feuilles desséchées.

Quelquefois, mais rarement, la ville semblait se réveiller ; quelques coups de canon tonnaient dans les échos de Quatre-Vents à Mittelbronn, et puis tout se taisait de nouveau. L’idée de Metz nous soutenait ; c’est de là surtout que nous espérions voir arriver du secours.

Mais il faut que je te raconte maintenant une chose qui nous surprit beaucoup, que nous ne pouvions comprendre, et qui malheureusement a fini par devenir trop claire pour nous, comme pour beaucoup d’autres.