rerait stérile. De même la Force serait condamnée à l’inaction, si la Pensée ne lui préparait sans cesse de nouveaux sujets de travail.
L’Idée n’est pas toujours employée au service de la Révolution directe. De Maistre, Macchiavelli, M. Romieu nous en donnent la preuve. La Force ne vient pas toujours non plus en aide à la Réaction directe, comme il est démontré par les révolutions suisse, allemande, anglaise, française et américaine, par toutes les révolutions les plus grandes de l’univers.
J’admire en vérité les bourgeois progressistes de ce temps-ci, qui veulent opérer la révolution par les réformes insensibles et la solution lente de la Pensée, sans commotion et sans désordres ; je les admire à l’égal de Brunswick et des émigrés qui croyaient, en 93, paralyser la Révolution par la force ! — À toute œuvre humaine doivent concourir l’action du bras et l’action du cerveau, l’important est de ne pas exiger du bras le travail de la tête et de savoir employer à temps l’un ou l’autre.
L’être humain n’étant pas complet sans ces deux puissances, la révolution dans laquelle toutes deux n’interviendraient pas ne serait pas durable.
J’avance seulement cette vérité paradoxale que la Force prépare les révolutions aussi souvent que l’Idée.
L’Idée prépare la réforme religieuse d’Allemagne et la réforme politique de 93 ; ces révolutions sont réalisées par les princes contre les papes, et par les dictateurs révolutionnaires contre la royauté. Mais en sens inverse : la Force prépare les révolutions d’Angleterre et d’Amérique ; les puritains de Cromwell et les indépendants de Washington en sont les précurseurs ; l’idée n’exécute ensuite que lentement les promesses contenues dans un jour de victoire. — Les hommes de la première révolution fran-