réactionnaires et les émigrés royalistes ; il était énorme que les vœux de pareils hommes pussent être répétés par un révolutionnaire, un socialiste, un proscrit ! — Ainsi déraisonnera l’humanité tant qu’elle sera déchirée par les partis ! Comme si l’esprit humain n’était pas un ! Comme s’il y avait deux vérités ! Comme s’il n’était pas incontestable que le bouleversement d’un monde envahi, c’est le Mouvement, c’est la Révolution ! Et comme si la Révolution enfin, d’où qu’elle vienne, où qu’elle se passe, pouvait être nuisible aux révolutionnaires ! — Depuis le commencement du monde, les politiques antédiluviens, les Calebs de l’Ordre du Lys appellent la Guerre, l’Invasion, les Bouleversements et les découvertes ; ils croient que le mouvement est profitable à leurs intérêts. Et depuis le commencement du monde, ils se sont trompés. Laissons-les donc espérer dans les Cosaques ? Rira bien qui rira le dernier !
En 1852 cependant, chacun était si las de la torpeur répandue sur le monde politique par la mitraille de décembre, tous pressentaient si bien des événements d’une portée plus générale, l’idée que j’émettais, en courant, était d’ailleurs si frappante dans sa vérité et sa simplicité, qu’elle s’installa d’autor dans les esprits. Par l’espérance et par la frayeur elle frappa juste. Contre la police, contre les partis, contre mon inaptitude à la propagande, contre mon obscurité, ma médiocrité, ma timidité, contre ennemis, contre amis, contre parents même, elle fit son chemin, tout le chemin qu’elle pouvait faire ; elle parcourut, d’un pas retentissant, toute l’impasse de l’exil.
J’en conclus qu’elle était venue à son heure ; qu’elle était utile, indispensable, providentielle : qu’elle demandait à être développée par la méditation après avoir été jetée par l’audace. Depuis, cette idée m’a retenu loin des intérêts et des relations de la vie sociale, loin des amitiés