Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/179

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Jamais ils ne se risqueraient à prêcher ouvertement, dans notre hypocrite société, la révolution organique et industrielle, la révolution du confort, du luxe, des jouissances et de la volupté, le règne des passions et leur excellence, ils auraient trop peur que le Public, leur grand épouvantail, les accusât de corrompre le peuple en faisant appel aux instincts les plus grossiers de la vile multitude. Peu leur importe, à eux, que ces instincts soient naturels et justes.

Et non seulement les jeunes Russes exposent de pareilles théories, mais encore ils prêchent d’exemple, ce qui vaut infiniment mieux. En même temps qu’ils sont savants et polyglottes, ils sont cosmopolites, aventureux, guerriers, amis des plaisirs, artistes, en un mot : ils ne se trouvent bien qu’en courant le monde ou les champs de bataille tandis que les petits de l’épicier français ne s’occupent de langues, de sciences et d’arts que pour gagner leur vie ; tandis qu’ils ont horreur de l’étranger et s’en font gloire ; tandis qu’ils ont réduit les émotions de leur âme à l’étroite capacité de leur bourse et les dangers de leur existence à un duel au pistolet !

Chez tous les jeunes penseurs de la Russie, vous observez une sombre désespérance quand ils tournent leurs regards vers le Passé ou vers le Présent, une extrême fierté, un rayonnant espoir quand ils plongent dans l’Avenir.

« Qui de nous, s’écrie Herzen, n’a pas eu de ces moments de colère dans lesquels il haïssait ce pays qui n’a que des tourments pour répondre aux aspiration généreuses de l’homme, qui se hâte de nous réveiller pour nous appliquer la torture ? Qui de nous n’a pas désiré de nous arracher à tout jamais à cette prison qui occupe le quart du globe terrestre ; à cet empire-monstre où