Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/187

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fainéants et en était mécontent. Ils formaient en effet un noyau d’hommes civilisés et mal disposés à l’égard du régime pétersbourgeois. Les uns passaient des années entières en pays étranger, important de là des idées libérales ; les autres venaient pour quelques mois à Moscou, s’enfermaient le reste de l’année dans leurs terres et où ils lisaient tout ce qui paraissait de nouveau et se tenaient au courant de la marche intellectuelle en Europe. La lecture devint un objet de mode parmi les nobles de province. On se piquait d’avoir des bibliothèques, on faisait venir au moins les nouveaux romans français, le Journal des Débats et la Gazette d’Augsbourg ; posséder des livres prohibés formait le suprême bon genre. Je ne connais pas une seule maison bien tenue où il n’y ait eu l’ouvrage de M. de Custine sur la Russie, spécialement défendu par Nicolas. Privée de toute action, placée sous la menace incessante de la police secrète, la jeunesse se plongeait avec d’autant plus de ferveur dans la lecture. La masse d’idées en circulation s’augmentait. »


VI.   Je vais indiquer tous les éléments militaires que contient la Russie, pour l’œuvre de guerre et d’invasion d’abord, ensuite pour le travail de régénération sociale.

Entre l’autorité du Tzar et l’action du peuple russe, entre le commandement brutal qui pousse à la guerre et le bras qui l’a fait, il n’y a pas d’intermédiaires, comme dans l’Occident. L’aristocratie a été moissonnée par Ivan le Terrible, Pierre-le-Grand et Catherine, ainsi qu’un lys dans sa fleur. Depuis, elle se consume en conspirations inutiles contre le pouvoir suprême. — Pas de bourgeoisie en Russie ; le tiers-état n’y est pas constitué ; il manque des richesses, de la considération et des relations sociales qui font un ordre ; les enfants des marchands ne sont pas