partage de tous les êtres ; — ils vivent et meurent tour à tour ; — le plus éternel vit de tous les autres et les voit tous mourir avant lui ; — mais tous les autres vivent aussi de lui, et à son tour il meurt quand ils l’ont épuisé lentement ?
D’où il suit que les notions que j’acquiers sur le temps sont analogues à celles que j’acquiers sur l’espace ; que la théorie de la Révolution continue est corrélative à celle de la Circulation continue ; — que, si j’appelle Fatalité la force plus générale que nous, je dois aussi donner ce nom à la force plus durable que nous ;— que ce qui est plus durable que nous est plus fort que nous, au même titre que ce qui est plus grand ; par conséquent, que ce qui dure plus que nous est notre Caucase, notre boulet, notre Dieu, notre Ennemi !
Dès le début de ces lignes sur la transformation, je me heurte donc à l’hypothèse de Dieu, comme il m’était arrivé de le faire en dissertant sur la Fatalité. Inévitable mais mauvaise rencontre que celle-là ! Dieu m’enterre comme il m’enveloppe, et bien qu’il me soit encore inconnu, je ne puis nier qu’il soit plus infini que moi.
Faut-il démontrer aux Civilisés par l’absurde qu’il y a dans l’univers une force supérieure à l’homme en durée comme en grandeur, mais que l’homme n’est cependant pas annulé par cette force ? C’est vraiment ce à quoi m’oblige le faux amour-propre que mettent mes contemporains à nier la Fatalité et à tirer vanité de leur soi-disant Libre-arbitre exclusif, illimité.
N’est-t-il pas vrai qu’une seule classe d’êtres ne peut suffire au mouvement universel ? N’est-il pas également vrai que pas une classe d’êtres ne peut faire défaut à ce mouvement ? — D’où il suit, appliquant ces données à l’homme, qu’il tient sa place dans le monde, mais qu’il n’y tient que sa place ; — qu’il ne commande pas à tout, mais