loin ; quand ils distinguent, de l’autre côté des monts, les vagues clameurs des tribus envahissantes. Et moi, je leur demande : Savez-vous ce qui est la Fin ou le Commencement, le Bien ou le Mal ? Pour porter un jugement sur les choses humaines, quelle est votre unité de mesure ?
Les hommes se retranchent derrière la morale et le jugement du public pour excuser leurs préjugés. Et moi, je ne reconnais ni morale, ni intelligence ni justice publiques. Quand il me sera prouvé que tous ont le même estomac, le même cœur et le même cerveau, je conviendrai volontiers que tous peuvent avoir la même pensée. Jusque là je dirai : C’est l’étouffement, l’esclavage et l’aveuglement de tous qu’on nomme l’opinion générale ; subisse cela qui veut !
Aujourd’hui l’opinion publique n’est que l’opinion d’un seul ayant force de loi, de préjugé, ou plus souvent encore d’intérêt. Sans liberté individuelle, point d’opinion vraie. Il n’y aura ni ordre véritable que lorsque chacun aura le doit de maintenir son opinion contre tous. Et jusqu’à ce que ce droit me soit acquis, je ne reconnais ni préceptes ni axiomes sociaux incontestables ; ce qui est vérité, justice, bob sens et probité pour l’un est tout le contraire pour l’autre. Le degré de certitude s’estime, dans ce siècle, à la majorité des intérêts, et la majorité des intérêts est inique !
II. Moi, je n’attache aux mots qu’une valeur grammaticale, et je soutiens que la justesse de l’idée qu’on exprime au moyen d’eux ne peut être fixée qu’après détermination de la destinée humaine.
Vous, civilisés et républicains moraux de l’école pleureuse de saint Augustin, vous soutenez que la vie est l’accomplissement d’une mission, le désert des souffrances,