donc pas sur une hypothèse ; c’est tout ce qu’on est en droit de me demander.
III. Une chose va paraître bien extraordinaire, je m’assure, aux esprits de ce siècle : c’est que, tendant au bonheur, je vais soutenir à l’instant même que les plus grands maux et les plus grands désastres sont bons et utiles. C’est de la contradiction diront-ils ? Eh ! philosophes de rencontre, qu’est donc l’homme autre chose qu’un abîme de contradictions ?
Le but de ma vie étant le bonheur, je dois être sans pitié pour cet abîme d’indescriptibles misères qu’on appelle la Civilisation et voir avec joie tournoyer sur lui les plus grands fléaux et les plus redoutables malheurs !... Le contrat qui m’accouple à mon bien-aimé prochain est comme un collier de fer à mon cou, comme une paire de menottes à mes poignets. Et ce fer ne peut être rompu que par une force plus grande ; il faut qu’il se produise effraction. J’ai conscience exacte des dangers que je cours en appelant l’heure de ma délivrance ; mais je souffre au fond de l’abîme ; puis-je ne pas m’écrier vers les cieux ?
Je n’ai rien à perdre à la destruction de cette société-ci ; au contraire, cette destruction doit tourner à mon avantage. Je m’en réjouirai donc. Et de même s’en réjouiront tous ceux qui souffrent la misère sans secours, sans espoir. Tous les discours du monde n’empêcheront pas cela.
Je n’ai pas le pouvoir de déchaîner la ruine sur les sociétés actuelles ; je n’ai même pas le choix entre les moyens destructeurs. Mais je me sens transporté d’allégresse quand je les vois fondre sur nous. Dans le domaine des faits, je constate. Avec les hommes actuels, c’est être dupe que de parler de principes, d’honneur, de justice et de liberté. Pourquoi ne leur renverrais-je pas leur sanglante menace ? « La faux ne discute pas avec l’ivraie ? »