XXVIII. Les guerres internationales ont fait leur temps. Depuis quarante années, les rues des capitales ont bu plus de sang que les plaines fertiles. S’obstinera-t-on à nier aussi cela ? Nous verra-t-on longtemps encore, imbécile procession de pleureurs, nous lamenter sur les troubles civils de notre temps et voiler de crêpe les statues de la Patrie vénérée ?
Je vous dis, moi, que toutes ces ululations sont superflues, et qu’il faut prêter de bon gré vos bras à la Guerre civile ; sans quoi, mon Dieu ! La Guerre civile les prendra sans vous demander permission. Depuis juin 1848, j’ai pris bien résolument mon parti de faire feu de toutes armes sur tous privilégiés, de quelque nation qu’ils fussent. Je veux ma liberté ; tout homme qui veut la sienne est de ma patrie : ses intérêts, ses efforts répondent aux miens ; le comprends mieux un seul signe de son petit doigt que le plus long discours des avocats français. C’est que l’Idée, c’est tout le langage, c’est tout l’homme.
Que m’importent, en vérité, les mœurs, le costume, la physionomie et l’accent différents de celui dont le cœur est à l’unisson du mien ? Les races ne se croisent-elles pas ainsi que les idiomes et les tendances ? Les hommes ne se confondent-ils pas chaque jour davantage ? Quand il s’agit de faire la guerre pour la justice et la liberté universelle, il ne peut plus être question ni de patrie ni de traître à la patrie. Il n’est pas d’émigrés, de proscrits, d’étrangers, de Cosaques, dans la famille humaine ; les gouvernements seuls et les partis se servent encore de ces mots. Ce qu’il y a d’éternellement vrai, c’est que tout homme est mon voisin sur la terre, et mon frère en révolution ; c’est qu’il n’y a, dans le monde, que deux sortes de gens, ceux qui exploitent le travail et ceux qui le font.
Hommes d’avenir et de pensée ! loin de nous l’étroite et cancanière tradition du chauvinisme ! Quelle gloire y a-t--