Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/41

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nité, n’ignorent pas plus que moi que les vieillards meurent, mais ils comptent qu’ils vivront assez encore pour refaire leurs testaments en leur faveur.

Je prétends qu’il est utile de dire la vérité aux vieillards, comme aux autres hommes. Je prétends qu’il est charitable, quand ils veulent courir, de leur donner un coup de pied dans les béquilles, afin qu’ils ne se cassent pas le cou.

Quand on condamne un assassin à mort, on l’en prévient assez à temps pour qu’il puisse recommander son âme à Dieu... Et l’on n’aurait pas quelque pitié pour une société qui va mourir ! Et l’on ne préviendrait pas la civilisation scélérate quelques instants d’avance pour qu’elle ait le loisir de faire ses dernières dispositions. C’est prouver le respect qu’on a pour soi-même et l’intérêt qu’on porte aux vieillards que de ne pas les tromper à l’heure suprême.

Malheureux ceux qui mentent aux mourants.


XVI.   Moi qui crois que rien n’est perdu dans le mouvement universel ; — que l’homme, subissant la destinée commune, reparaît d’âge en âge, sous des formes successivement plus complètes ; moi qui regarde la mort et la révolution comme des moyens de conservation des sociétés, je considère également l’invasion comme un mode de régénération pour les peuples. Et l’histoire témoigne pour moi qu’après cette terrible épreuve, ils renaissent plus beaux, plus libres, plus puissants et plus heureux. L’existence est un cycle d’or et de fer, d’heurs et de malheurs ; un continuel échange entre les restes de la vérole qui nous prend sur terre et les restes des vers qui nous reprennent dessous.

Pourquoi donc nous obstiner à n’en voir qu’une moitié ? Pourquoi n’appeler vie que les monotones journées que nous passons au-dessus du niveau des mers, nous rasant,