Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/442

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Je mords et déchire de toute la force que donne à mes dents une indignation légitime !

Moi, je ne puis aimer la femme que j’achète, la famille qui me dénature, le propriétaire qui me repousse dans le chemin, le marchand qui me vole, le chef de parti qui m’exploite, le juge et le gouvernant qui me proscrivent, le bourreau qui......

Je ne puis vivre sous le ciel qui abrite ce ramassis d’hommes ; je n’ose point sourire aux étoiles brillantes qu’ils regardent, peut-être ; je souffre en respirant l’air qu’ils souillent !…

Je hais cette société fangeuse, ce saint Privilége qui crève de gras-fondu, cette orgie d’épiciers économes qui, mornes, bâilleurs, font mourir par milliers artisans et artistes !

Ce monde est mon cachot..... Mais je ne graverai point mon libre nom sur ses barreaux ; je n’écrirai point mes rêves de poète sur ses murailles froides ; je ne sourirai point à mes geôliers !

Car la haine que je leur porte, c’est mon amour à moi, mon saint amour, la fièvre brûlante qui court par mes artères, ma vie !….. Oh ! quand donc viendront-ils, Humanité ! tes grands jours d’allégresse ? Quand te verrai-je, ô mère ! briser ta couronne d’épines ? Quand chanterai-je ta gloire dans les mondes heureux ? Quand tresserai-je, de ces mains indignes, des couronnes de roses et de pervenches pour en ceindre tes reins ? Alors, oui, j’aimerai !!!

… Jusque-là, je presserai de mon poing mes yeux gonflés de larmes, — car je ne veux point pleurer de douleur. Jusque-là, je n’aurai dans mon cœur ni pitié ni sympathie, car je ne veux pas m’attendrir sur des malheurs qui sont notre ouvrage. — Jusque-là, je verrai toujours, dans mes rêves, des crânes sanglants et des chairs meurtries par des mains comme les miennes. Et je maudirai