Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/56

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jette en passant ces brèves paroles : « Je fuis, je fuis ; je traverse l’espace et la foudre m’annonce. L’espace n’est rien pour moi, et j’en prends connaissance en l’illuminant. Je viens de bien loin, de l’atelier des mondes, dont vous mortels, ne soupçonnez même pas l’existence.

» Les plus spacieux, les plus fertiles des univers, que sont-ils pour moi ? des grains de sable dans des océans sans bornes ! Et votre terre, qu’est-elle ? le plus imperceptible de ces grains de sable !

» L’homme bavard est fier de ses locomotives parce qu’elles peuvent faire quinze lieues à l’heure, parce qu’elles secouent dans les airs de petits panaches de fumée, parce qu’elles traînent après elles des fallots rouges, parce qu’elles hurlent et sifflent comme des chouettes surprises par le jour. L’homme appelle cette force-là une force infernale.

» Mais moi, je parcours quinze univers à la seconde, moi, j’étouffe, dans leurs embrasements, des contrées entières ; moi, je suis plus rouge que les feux de l’enfer ; moi, j’ébranle le firmament de ma voix sidérante. J’ai été conçue dans les premiers transports d’amour des mondes.

» Vole, vole vers moi ! je te ferai glisser, plein d’effroi. sur ma traînée de soufre. Et d’un bout de l’univers jusqu’à l’autre bout, je te montrerai tant de merveilles, que les guerres, les révolutions et les intrigues des hommes te paraîtront comme des jeux de petits enfants.

» Ainsi tu apprendras à juger la partie d’après le tout, et tu assisteras sans t’émouvoir aux luttes des insectes. »

Souvent, dans la nuit sombre, j’allume le cigarro de papel, au feu vivace. Et je m’écrie : Ô feu que j’aspire hurlant, puisses-tu circuler dans mes veines et rendre ma parole semblable à un incendie ! O ma pensée, ma pensée ! parviendras-tu jamais à te détacher, brillante, sur le fond terne de la civilisation ?

Hélas ! dans l’immensité, dans le temps éternel, je ne