Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/75

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trailles de ce glorieux pays un seul groupe d’hommes assez énergiques, assez patriotes, assez détachés des intérêts matériels pour transformer en déserts les fertiles campagnes que l’ennemi devait parcourir. Tandis que, possédés par un sauvage enthousiasme, les Russes brûlaient Moscou, les Français ne pouvaient pas même défendre Paris.

Il y a un demi-siècle on trouvait encore en France du patriotisme, de l’enthousiasme, une jeunesse ardente, de l’admiration pour les grands capitaines, un culte pour la patrie et les glorieux étendards qui flottaient sur ses armées. Il y avait, parmi nous, moins de trafic, d’agio, de débilité morale qu’aujourd’hui. Et cependant, alors même, au plus fort de sa gloire, au bout de quinze ans, la France succomba sous la Russie, force vivace de la Sainte-alliance[1]. Que fera donc contre cette même Russie démesurément agrandie la France bourgeoise d’aujourd’hui ?....... Elle ne tiendra pas sérieusement six mois. Qui vivra, verra !...... Moi, je dis qu’on ne fait que ce qui est possible, et je ne crois pas à l’élasticité de l’écu.

On s’efforce d’étouffer en nous la voix des passions naturelles et des revendications légitimes, et nous secondons les efforts en nous conformant aux exigences d’une morale contre nature. Nous nous gênons sans nous pénétrer : l’ha-

  1. On dit que la France était épuisée par un quart de siècle de guerres, que ses généraux trahissaient, que Bonaparte avait désespéré de la fortune, que l’Europe entière était coalisée contre nous : d’accord ! Mais où était la résistance réelle de l’Europe coalisée ? où était sa pépinière d’hommes, ses éléments alliés, ses neiges, sa Bérésina ? Où était le grand ennemii que Napoléon allait chercher au cœur de son empire ? Où était le colosse qui frappait toujours, qui eût pu frapper durant un siècle ? Au Nord ! Et la Russie n’avait-elle pas combattu tout aussi longtemps que la France, cependant ? N’avait-elle pas éprouvé plus de revers ? Comment donc résistait-elle contre la France, plus forte, selon vous ? Mais jamais les vaincus ne manquent de bonnes raisons pour expliquer leurs défaites ; ils les donnent toutes pour des chefs-d’œuvre de stratégie et des abîmes de trahison ; ils font contre fortune bon cœur. Quand il s’agit de la guerre et des conséquences de la force, moi je constate…